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Certes, Clint Eastwood n'a jamais été crédité scénariste, mais il a toujours choisit attentivement les projets dans lesquels il s'est lancé. Même simplement en tant qu'acteur : profitant de sa notoriété et de son statut de producteur, il était à l'origine des films, voulait imposer sa vision et virait parfois le réalisateur (il remplaça Philip Kaufman pour la direction de
Josey Wales hors-la-loi). En tout cas, il est indéniable que son oeuvre lui est complètement personnelle, pour preuve ses thèmes favoris :
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La vengeanceElle a immédiatement caractérisé la légende d'Eastwood, de pair avec la violence. Dans les premiers films, elle est le sujet complet du film, sans grande profondeur. Néanmoins, quand il s'y attaque lui-même, il aime apporter subtilité et variations. Certes, dans
L'homme des hautes plaines, le changement n'est pas énorme : jouant de sa réputation d'homme sans nom, il fait de son personnage un fantôme, un revenant, tout en laissant planer le mystère. Le traitement est plus intéressant dans
Josey Wales. Alors que Wales ne vit plus que pour se venger, comme bon nombre de précédents héros eastwoodiens, il abandonne l'idée de duel contre celui qui l'a pourtant trahi, préférant repartir vers une vie paisible entouré d'une nouvelle famille.
Josey Wales hors-la-loiA partir des années 90, les grandes années où il s'amuse souvent à réécrire sa propre légende, il reprendra parfois ce thème : dans
Impitoyable, Munny est un personnage qui s'est définitivement rangé de sa tendance lourde à tuer les gens. Mais alors qu'il est à l'automne de sa vie, il tuera pour la première fois sans être payé ou sous l'emprise de l'alcool : il venge son ami Ned lâchement tué à coups de fouets.
ImpitoyableDans
Créance de sang, le flic McCaleb doit venger une pauvre femme assassinée, à la demande de sa soeur, en retrouvant son meurtrier. La vengeance ne doit consister qu'à lui mettre les menottes ; mais dans les dernières images, McCaleb accepte sans sourciller que la soeur en question plonge la tête de l'assassin sous l'eau.
Créance de sangEnfin, la question de la vengeance revient en force dans
Gran Torino, puisque Clint réécrit de nouveau son mythe, ce qu'il n'avait pas fait depuis
Créance de sang et
Impitoyable (comme quoi le thème de la vengeance est intimement lié au "personnage" d'Eastwood). Pour commencer Walt ne prend les armes que pour défendre sa propriété privée. Puis, quand la maison des voisins, pour lesquels il s'est pris d'amitié, se fait mitrailler par le gang, commence pour lui la réflexion, le dilemne : vengera, vengera pas ? Et c'est là toute la force de
Gran Torino : on y voit Clint prendre un chemin qu'il n'a jamais pris, celui d'une vengeance interposée, d'une mort en martyr. Ce choix ne pouvait être fait qu'à cause de deux autres éléments : une société de bureaucrates où la justice ne règne pas (pour la vengeance) et l'approche de la veillesse et de la mort (pour la mort en martyr) - deux autres thémathiques chères au réalisateur.
Gran Torino